La foire aux vins de Tramolé

Samedi, c’est la foire aux vins de Tramolé. Oh, vous pouvez chercher sur Google Maps, vous trouverez Tramolé : c’est dans l’Isère, en lisière des Terres Froides, un bled grand comme la place de la Concorde où se tient une foire aux vins du tonnerre de Dieu. Et depuis un sacré bail, car je me souviens encore de la neige de 90 qui est tombée le samedi, puis toute la nuit de samedi à dimanche. Quinze centimètres de neige à Lyon pour le huit décembre, une bénédiction ! Mais un enfer pour les viticulteurs de la foire, bloqués là trois jours et pas un rat sur leur stand !  Cela dit, les gens du village ont été super, ils les ont logés, nourris et égayés jusqu’à la fonte des neiges. De toute façon, l’année suivante, les mêmes étaient là, gaillards et fidèles, et je m’attend à revoir la plupart d’entre eux dans trois jours.

Pour moi, c’est une bénédiction : n’allant jamais à Nantes – quoique je dusse, j’ai un copain là-bas qui a ouvert une boutique, je vous en parlerai – le Muscadet vient à moi. Amoureux du Sud-ouest mais trop loin pour y muser, le Fronton et le Cahors se déplacent ! A sec de sauvignon ? La Loire et le Reuilly font le chemin… Envie d’un savagnin : le Jura est sur place. Sans compter la Savoie, l’Alsace, le Mâconnais, La Bourgogne et la vallée de Rhône jusqu’à la côte méditerranéenne. Ah, le Bandol et ses accents de confiture dérobée sur le haut de l’armoire…

Mais ce n’est pas tout : à boire, bien sûr, mais aussi à manger. Escargots d’élevages du pays, macarons, charcuteries et foie gras, tous les produits que l’on aime sont là. On a même organisé une dégustation d’huîtres pour midi, une riche idée !

Il est une certitude : les foires aux vins de village sont des endroits magiques. Souvent servies par l’engagement de bénévoles eux-mêmes amoureux et convaincus, celles qui ont su durer ont fidélisé exposants et clients qui se retrouvent comme les vieux militants dans les manifs. Successions, naissances, nouvelles cuvées, météo, on s’y échange les potins en refaisant le plein et on met à jour ses fiches sur le nouveau millésime. Alors si vous entendez parler d’un foire au vins qui a lieu dans votre secteur – la foire des vignerons de Marche-en-Famenne, en Belgique, par exemple – déplacez-vous ! Vos viticulteurs le méritent, vous passerez un moment extra et vous rapporterez de quoi vous en souvenir pour un bon moment.

Mes deux autres Saint-émilion

Les Bordeaux sont devenus hors de prix, personne ne prendra cette information comme un scoop. Les « grands » Bordeaux. Alors on se contente des petits. Des petits ? Je vous racontais récemment comment j’avais découvert le vignoble de Bordeaux par la veine du Saint-émilion. Mais vous savez comme moi qu’il existe ce que l’on appelle les périphériques :  Montagne, Lussac, St Georges et Puisseguin. Si l’encépagement est très comparable à celui du prestigieux voisin, il en va tout différemment du relief, ce dernier devenant de plus en plus tourmenté au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la Dordogne. Il en résulte une grande diversité de terroirs et d’expositions qui, ajoutés à la diversité des vignerons, créé une mosaïque de vins dont au final, le seul lien solide reste l’encépagement. Trouver celui qui va vous convenir est alors une question de chance. Moi, j’en ai eu deux fois.

Le première fois, on arrivait de Pomerol, où on avait eu droit à une réception atroce. Pris de haut par une sorte de baronnet puant et malgracieux, on avait tourné les talons promptement devant sa bêtise et sa morgue – je tairai le nom de son domaine, mais je n’en boirai jamais. Vous pensez donc comme l’accueil chaleureux du château Bellevue, à Lussac, nous remit du baume au cœur. Il faut dire que Charles Chatenoud était un savoyard, égaré vers les années soixante-dix dans les vignobles du Libournais, qui avait courageusement endossé la mission de relancer Bellevue. À l’opposé des natifs du cru, il avait apporté de sa Haute-Savoie natale le respect de l’amateur et une jovialité à toute épreuve. Visite du domaine et surtout du chai – j’ai souvenir du conquet carrelé, à moins que je ne confonde – et partout une hygiène sans défaut, dégustation sans ostentation assortie d’explications techniques d’une grande franchise, son domaine nous avait conquis. Cela se passait dans le milieu des années quatre-vingt et nous étions repartis ravis et chargés. Mes copains habitant la région, j’ai bu du Château Bellevue chez eux pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, Charles a laissé le manche à ses fils et le domaine passe en bio. À suivre avec attention.

La seconde fois, l’histoire est carrément rocambolesque et mérite à elle toute seule un développement – un peu arrangé tout de même, je le précise – que l’on trouvera par ailleurs si l’on suit le lien adéquat dans « les liens qu’on aime ». Il s’agit de château Corbin, à Montagne, François Rambeaud aux commandes. Regardez ses vignes, j’ai emprunté cette photo à son site – www.chateaucorbin.fr : celui-là, je le suis personnellement, depuis plus de trente ans…

Le Brézème

La vallée du Rhône est un trésor en soi, et recèle des pépites que même l’amateur le plus acharné ne dénichera qu’avec de la chance. Ma chance à moi, ça a été le mariage de Valérie.

-         Qu’est-ce que vous avez bu à ton mariage, alors ?

Ma collègue Valérie revenait au bureau faire saliver ses copines avant de partir en voyage de noce aux Maldives, et la conversation avait tout naturellement roulé sur le repas.

-         C’est mon père qui nous a fourni, il connaît un petit producteur près de Livron, en Côte du Rhône avec un nom en plus, je ne me souviens pas, c’était super.

-         Et le nom en plus, c’était quoi ?

-         Ah, je ne sais plus, mais je vais demander à mon père.

-         Bon, mais tu fais fissa, je descend dans le coin ce week-end, et si c’est aussi valable que ce que tu me dis, j’aimerais bien y passer.

Arrive le vendredi, pas de nouvelles. Je prends tout de même la route vers le Sud, j’allais en Ardèche. Tous d’un coup, un SMS de Valérie. « Côte du Rhône Brézème, château La Rolière, Livron. Sur la nationale, c’est indiqué ». Ah, mais c’est du Brézème ! Ce fameux mouchoir de poche autour de Livron, dernier bastion des côtes du Rhône du Nord et sa syrah reine, le symétrique du Saint-Joseph par rapport au centre de gravité de la zone. J’avais déjà eu l’occasion de goûter celui de Jean Marie Lombard, arrivé dans mon verre par la magie d’un échange entre collègues, mais il était un peu trop vieux et j’avais réservé mon avis. Donc hardi petit, je descends sur Livron.

En effet, le domaine est bien indiqué, et facile à trouver. Une allée d’arbres longe les vignes et l’on sort du monde. Il était midi, je n’avais pas prévenu, je m’approche donc la queue entre les jambes en m’attendant à déranger : eh bien non ! Le caveau allait fermer, mais il est resté ouvert pour moi. Loin de m’expédier à une heure où tout un chacun aimerait passer à table, le tenancier des lieux m’a tout fait déguster, tout commenté, et raconté avec force détails le passé et le présent du domaine. Je ne vous répéterai rien, vous n’avez qu’à y aller. Retenez seulement les vins : un blanc 2009 marsanne – roussane poire et fleurs blanches, un rouge 100% syrah bien couillu décliné sur trois cuvées dont un 2006… Faites le détour par La Rolière : vous me bénirez !