Je n’ai plus de Cerdon !

Mes potes bretons arrivent pour le week-end : à des buveurs de cidre, je vais servir du Cerdon ! D’abord pour le plaisir de leur dévoiler un pétillant dont on n’a jamais entendu parler à Landivisiau, et ensuite histoire de les surprendre, car quand on est habitué à une certaine sorte de bulles, rien de plus difficile que d’apprécier leurs cousines. Et moi, l’effort, c’est toute ma philosophie. Mais là, descendu dans ma cave ; la déconvenue : plus de Cerdon ! Je me souvenais pourtant très bien de ce vendredi de février où j’avais frété ma berline pour une expédition dans les collines du Bugey, à l’occasion de la visite en province d’un de mes potes parisiens. Il avait neigé dans la nuit et la plaine de l’Ain en était toute gadouilleuse ; mais le spectacle des vignobles sur leurs croupes surlignés en noir et blanc sous un ciel lourd de la prochaine chute à venir, en débouchant sur le village de Cerdon, nous avait scotchés. Ensuite, dénicher les producteurs de mes rendez-vous avait été un jeu de piste assez croquignol, compte tenu de mon aversion pour le GPS et d’une cartographie approximative. Mais nous avions visité, et n’avions pas été déçus. Ah ! Pour ceux qui ne savent pas : le Cerdon est une sorte de rosé pétillant obtenu grâce à une fermentation naturelle en bouteille, élaboré à base de poulsard et de gamay. Les proportions varient suivant les années, car le poulsard est un cépage capricieux, et la fantaisie du vigneron, qui aime bien en ces pays de tradition proposer une gamme à son image. Et une anecdote : savez-vous ce qui a le plus profité au Cerdon dans les années soixante ? Les cuves réfrigérées pour conserver le lait ! En effet, la vinification se déroule en deux étapes, d’abord en cuve ouverte jusqu’à atteindre 6-7 degrés d’alcool, puis en bouteille pour une fermentation lente jusqu’à ce que la pression stoppe d’elle-même le processus. Dans le temps, on stoppait le développement des levures comme on pouvait – je ne donnerai pas de détails – mais à l’arrivée des cuves à lait réfrigérées dans ces campagnes, on se mit à utiliser le froid, avec les bénéfices que l’on imagine ! Du coup, la vinification du Cerdon est une des plus naturelles et un bon Cerdon ne vous mettra jamais mal à la tête. Elle ne l’a pas toujours été, car il existe bien des manières de fabriquer du vin pétillant ; mais cette époque est derrière nous et les Cerdons du XXI° siècle sont honnêtes et sains. Beaucoup sont très bons ; après, ce sera suivant votre goût : le gamay apporte du fruit, le poulsard des accents sauvages, il faut goûter pour se faire une religion. Moi, je me sers à La Ceuille, chez Patrick Bottex. Mais n’hésitez pas à prospecter sur Mérignat, il y a des trésors.